Historique du Privat / First Class

GUISEPPE SCUTTI

 

30th infantry division
120th infantry régiment
Anti Tank company
   

 

 

C’est avec beaucoup d’émotion que Mr SCUTTI,  vétéran américain de la 30th division, nous a raconté son aventure au sein de l’armée américaine d’octobre 1942 à Décembre 1945.

« Le 7 décembre 1941, nous avons appris le bombardement de Pearl Harbor à la radio. Nous avons compris, ce jour là, que l’Amérique allait véritablement s’engager dans cette guerre.

J’ai reçu ma convocation pour aller à l’armée en octobre 1942. J’ai dû  rejoindre le centre de recrutement de Philadelphie en Pennsylvanie. Dès mon arrivée, étant émigré italien, j’ai dû jurer fidélité aux Etats Unis, puis ils nous ont mis comme des moutons dans le train qui nous a conduit au camp Blanding en Floride.

J’ai été versé directement dans la 30th Infantry Division et j’ai fait toute la guerre au sein de l’anti-tank company du 120th Infantry Regiment et ce jusqu’à Malmedy où j’ai été blessé en décembre 1944. L’entraînement au Camp Blanding était très difficile, le sable, les marais, les marches de 75 kms, tout cela était très pénible.  

Les conditions d’hébergement n’étaient pas très faciles.

Nous étions logés par 6 avec des lits superposés dans des petites baraques en bois.

Il y avait beaucoup de baraques .

Ce que je n’aimais vraiment pas c’était les manœuvres de nuit dans les marais où nous nous dirigions à la boussole et où nous étions accompagnés de petites bêtes très désagréables comme les serpents.

Après l’entraînement de Camp Blanding, nous avons traversé la Géorgie pour aller à Fort Knox, Kentucky. Après, nous sommes allés à Camp Forrest dans le Tennessee. Nous y sommes restés quelques semaines pour y faire des manœuvres dans les montagnes Appalaches. Ensuite, nous avons été au Camp Atterrbury dans l’Indiana.

Jusqu’à présent j’étais toujours citoyen italien. Un jour, au cours d’une cérémonie et sous la neige, on m’a présenté mon certificat de citoyenneté américaine. J’avais émigré aux Etats Unis en 1935.

A la fin de l’entraînement au Camp Atterrburry on nous a donné une permission de 3 jours où j’ai pu aller rejoindre mes parents. A mon retour, nous avons pris la route pour Camp miles standish, à côté de Boston où nous avons attendu notre embarquement pour l’Angleterre.

En février 1944 nous avons fait la traversée sur le SS Argentina, un bateau avec des lits suspendus sur plusieurs étages. Nous sommes arrivés en Angleterre par Gourock (Glasgow ), il faisait nuit et c’était l’hiver. De là nous avons pris le train, traversé toute l’Ecosse et toute l’Angleterre jusqu'à la Manche à Bognor Régis. Ce qui m’a frappé c’était l’étroitesse des lignes de chemin de fer et le manque de chauffage dans le train. Je me rappelle aussi que nous avions tous très faim, on pouvait grâce à nos dollars s’acheter des petits gâteaux dans les boutiques anglaises, mais nous savions aussi que les britanniques étaient très limités pour le ravitaillement en produits alimentaires. Nous avions presque honte, mais que voulez-vous nous avions très faim.

Nous avons commencé les manœuvres sur des plages dans le sud est de l’Angleterre à Southend on Sea, king’s Lynn, the wash. Nous étions toujours en mouvements en Angleterre, nous sommes allés aussi au sud du Pays de Galles pour des manœuvres de tirs. Nous avons installé notre campement entre Oxford et Aylesbury dans le village de Stone. C’est dans ce village que nous avons eu la visite du Maréchal Montgomery, il nous a passé en revue, cet homme avait des yeux d’aigle, il nous a inspectés de la tête aux pieds pour savoir si nous étions aptes pour le débarquement.

Trois jours plus tard, nous sommes partis pour Southampton. Nous y sommes restés quelques jours  dans un camp isolé de tout. Puis un jour, alors que nous jouions au base ball des coups de sifflets ont retenti, nous devions rejoindre nos unités, l’heure du départ avait sonné, nous étions le 12 juin 1944. Nous sommes arrivés sur la plage d’Omaha le 13 au coucher du soleil, il faisait beau, nos bateaux étaient bombardés par les canons, les balles miaulaient autour de nous, nous distinguions très nettement le bruit des mitrailleuses allemandes qui étaient encore dans les blockhaus du mur de l’Atlantique

Une fois arrivée sur la plage, nous avons emprunté une percée  et avons creusé des trous individuels dans un champ de pommiers pour y passer la nuit. Durant toute cette nuit, des avions passaient et repassaient sans savoir si c’était les nôtres ou les leurs.

Le lendemain matin nous avons pris la route des combats. Comme nous étions motorisés, nous sommes passés devant une cathédrale ; j’ai su après qu’il s’agissait de Bayeux. Nous avons emprunté ensuite la direction du sud. On entendait dans le lointain la bataille qui faisait rage sur Caen. Nous avons traversé le village de Villers Bocage. Lorsque nous progressions de haie en haie, les allemands s’étaient mis dans les arbres afin de mieux nous apercevoir et nous tirer dessus.

Ce qui m’a marqué aussi, c’était le nombre très important de vaches et de chevaux morts dans les champs. En cet été 1944, il faisait très chaud et l’odeur de leurs cadavres devenait insupportable. A l’aide de jeep, nous avons tiré leurs cadavres jusqu’à un trou creusé par une bombe. Ils nous arrivaient aussi d’enterrer des civils français.   

Nous avons traversé St Lô. Les 24 et 25 juillet, l’aviation américaine a bombardé les lignes allemandes mais certaines bombes sont tombées sur un de nos régiments. Je me souviens d’avoir aperçu deux têtes de soldats américains qui dépassaient d’un trou de bombe, le reste de leurs corps étant enseveli par les retombées de la terre, c’était une vision épouvantable.

Nous sommes arrivés à Mortain le 6 août où nous avons relevé la 1st Infantry Division. Nous nous sommes positionnés sur la cote 314. Tout s’est déclenché dans la nuit du 6 au 7 août mais nous avons résisté jusqu’au 10 août,  jour où les allemands  fichèrent le camp.


Pièce de 57 mn de l’anti tank company en action à Mortain

Je suis retourné en 1995 sur la cote 314, je voulais revoir la petite chapelle que j’avais vue de mes propres yeux en août 1944 et je me suis aperçu qu’ils avaient élevé un monument à la gloire de la 30th Infantry Division.

Sur cette cote 314, nous avons résisté héroïquement à tous les assauts de l’ennemi, nous avons eu beaucoup de tués dont mon ami le Sergeant Edwards qui était près de moi. Après Mortain, nous avons traversé Domfront, l’avance a été très rapide. Nous sommes arrivés à Brezolles dans le sud de l’Eure le 19 août. Je me souviens très bien, c’était la première fois que j’assistais à une messe en France puis nous avons progressé sur Nonancourt, St André de l’Eure et Evreux. Nous étions prêts à rentrer dans Paris mais c’est  De Gaulle qui l’a fait.

Nous avons installé un camp à Mantes Gassicourt. Dans la forêt de Mantes, j’ai rencontré le Comte de Beaumont qui nous a serré la main et nous a donné son adresse à Paris en nous précisant que si l’on venait à passer dans la capitale il serait très heureux de nous recevoir. J’avais un ami très cher à l’anti-tank company du nom de Max Foster, il était originaire de Los Angeles et était passionné d’art comme moi j’étais un passionné de musique. En attendant que les combats se terminent et n’étant pas très loin de Paris, nous obtenions une permission avec l’autorisation de nous rendre à Paris.

Mon ami Max et moi-même  nous nous sommes rendus chez le Comte de Beaumont  qui nous a accueillis comme des princes. L’après-midi, il nous a fait visiter le Louvre et le soir il nous a emmenés à l’Opéra de Paris on y  jouait le Barbier de Séville. C’était la première fois que je venais à Paris. Le soir même, nous avons rejoint notre régiment et nous sommes partis pour Creil. Dans cette ville, un photographe de presse a pris le capitaine Smothers et moi en photo. J’étais très bien avec le capitaine car parlant un peu le français je lui servais d’interprète.


Capt Smother 120th AT

Nous sommes arrivés en Belgique dans la région de Tournai où nous avons été accueillis par une famille qui était très gentille avec nous mais dont j’ai oublié le nom. Nous avons continué notre progression dans une région au nord de Liège dans une ville dénommé Tongeren. Ensuite nous sommes rentrés en Hollande à Heerlen où nous sommes restés quelques jours. Je me suis lié d’amitié avec une famille de fermiers du nom de Shurmann puis nous avons poursuivi notre route jusqu’à Kerkrade dans la province du Limbourg en Hollande. Nous sommes rentrés en Allemagne à Aldorf sans atteindre le Rhin. En décembre 1944, on nous rappelle pour la Belgique à Stavelot, la Gleize, Malmedy où les combats se sont terminés pour moi car j’ai été blessé le 24 décembre 1944.

Je suis, par la suite, reparti en Angleterre pour y être soigné. Après mon séjour dans les hôpitaux U.S. à Swindon, j’avais le choix entre retourner aux Etats Unis ou rejoindre mes camarades de la 30th Infantry Division. J’ai choisi la deuxième solution.

J’ai donc été transféré au Camp Herbert Tareyton (transit) au Havre et c’est durant ma convalescence dans cette ville que j’ai rencontré Yvonne, une pure beauté, qui est devenue par la suite ma femme ».

Une fois la guerre terminée, Giuseppe-Joseph est retourné aux Etats Unis en novembre 1945 pour se faire démobiliser. Il est resté quelques temps et est revenu en France où l’attendait Yvonne. Depuis ils ne se sont plus quittés. Ils ont fondé une famille en France.

C’est grâce à Cécilia, leur petite fille passionnée par l’histoire de son grand-père que nous avons pu rencontrer Joseph et Yvonne Scutti.

Le 19 juin 2004, Joseph Scutti et Ysidor Sanchez, tous deux faisant partie de la 30th Division se sont rencontrés pour la première fois lors d’un forum organisé par notre association au collège de Nonancourt soit 60 ans après leur débarquement à Omaha.

De gauche à droite :

Mary Sanchez, Ysidor Sanchez, Cécilia Scutti, Joseph Scutti, Yvonne Scutti

 

 

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