Frank Winchester TOWERS |
CARRIERE MILITAIRE
Dans les années trente il y eut aux États-Unis la dépression économique.
En 1940 des nuages sombres annonçaient la Seconde Guerre Mondiale.
Bien qu'étant employé au Crédit Commercial, le travail n'était pas abondant, et les possibilités de promotion n'étaient pas bonnes. Les employeurs hésitaient à renouveler les contrats. Je fus appelé sous les drapeaux pour une période de formation d'un an, mais l'armée ne voulue pas nous garder. J'étais pourtant décidé à obtenir un engagement militaire, "mettre le monde en feu, devenir riche et célèbre", c'est avant que vous pensez cela !
Je m'engageais à Burlington dans le Vermont sous la référence "2001". J'étais impatient mais mon numéro ne fut jamais tiré au sort. J'eus par la suite un nouveau numéro, "V 697"; cette fois je fus en tête de liste, mais toujours aucun appel. J'examinais la possibilité de joindre la Garde Nationale qui allait être prochainement fédéralisée. Le 1er décembre 1940, je rejoignis la Compagnie "K" du 172nd Régiment de la 43rd Infantry Division. C'était un enrôlement temporaire d'un an, le temps de satisfaire aux exigences préliminaires.
Frank Winchester Towers
La 43rd Infantry Division était composé des unités du Maine, du Vermont, du Connecticut et du Rhode Island. Le 172nd Régiment était du Vermont, la Compagnie "K" était de Burlington.
Chaque grande ville avait sa compagnie de A à M. Nous avons reçu nos vêtements et nos uniformes militaires taillés sur mesure, ainsi que notre équipement individuel. Je touchais $21 par mois alors que je quittais un emploi à $25 par semaine. C'était un salaire de survie et de pauvreté. Nous commencions notre entraînement ce qui était fondamental, et tous les soirs après le travail nous avions un rapport. Exceptionnellement la Compagnie "K" était équipées de fusils réglementaire et composée de 120 hommes. La compagnie était équipée de fusils " Springfield 3" de 1903. Nous apprenions à monter et à démonter ce fusil dans le noir total, nous familiarisant ainsi avec cette arme. C'était un travail difficile pour les gars des villes qui n'avaient jamais manier un fusil. L'entraînement devenait de plus en plus difficile et les soins médicaux étaient très souvent sollicités.
En février 1941, notre division appris qu'elle allait être fédéralisée. Nous rassemblons nos affaires personnelles et étions prêts à partir de Burlington pour une destination inconnue, " nous attendons." Le 24 février, nous fûmes fédéralisés, cela signifiait qu'à présent nous travaillions pour l'Oncle Sam. L'entraînement s'effectuait de huit heures du matin à dix-sept heures et une formation supplémentaire en soirée. Nous nous rassemblions tous les jours à huit heures à l'Arsenal pour défiler dans la neige ou dans le boue. Nous nous servions de manches à balais pour les défilés et les entraînement, c'est tous ce que nous possédions.
A l'inverse de la Garde Nationale nous avions un minimum d'armes, nous n'apprenions jamais rien. Un jour la Compagnie reçue un fusil "Garant M1 calibre 30". Nous apprenions à le démonter et à le remonter de jour comme de nuit. Ce fusil devait devenir l'arme fondamentale pour l'Infantry durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour compléter notre formation, chaque midi pour la soupe nous défilions de l'Arsenal à l'hôtel Vermont; il en était de même le soir.
Le 9 mars 1941, nous nous
rendîmes à la gare de chemin de fer et nous voyageâmes dans des wagons
pullman. Notre destination était un certain camp en dehors du monde " le
camp Blanding en Floride. Nous avions vu des photos du camp mais celles-ci
avaient été prises en été, l'herbe était verte et bien grasse, bordée de
palmiers, les bâtiments paraissaient sympathiques et les infirmières très
jolies.
Quelle déception ! nous étions très loin de ce que nous avions vu sur
les photos. Le camp était lugubre et sale nous pensions qu'il y avait eu une
erreur. Lors de notre descente du train, nous nous enlisons dans le sable
jusqu'aux chevilles. Nos uniformes n'étaient pas adaptés au climat. Ils étaient
en laine très chaude et très lourde. Nous étions surchargés par nos équipements.
Notre "intelligent" officier nous fit défiler jusqu'au secteur
qui était désigné à la compagnie mais il était impossible de défiler au pas
dans le sable jusqu'aux chevilles. Nos sacs de caserne contenaient nos vêtements
supplémentaires et articles personnels, le nécessaire de toilette, le papier
à lettres et tous objets autorisés. Aucun vêtement civil était permis.
Nous devenions ce que nous appelions communément des "G I"
(Gouvernement Issue). Le secteur attribué à la compagnie était environ à
1mile des bâtiments qui n'étaient pas encore terminés, seuls deux d'entre eux
et le quartier général étaient prêts. Les hommes couchèrent sous les étoiles,
à deux dans une tente pendant deux semaines en attendant la finition des
logements. C'était une tente pyramidale de 16 pieds posée sur une plate-forme.
Dans chaque tente deux couchettes doubles avec un petit poêle à charbon
en son centre, ce devait être notre logement pour l'année.
Notre commandant
officier (C O) était le capitaine Arthur K Tudhope, il demandait au
personnel de l'armée de coopérer avec lui en échange il ne nous faisait pas
faire de trop longues marches de nuit. Nous l'avons accepté et les choses se
passèrent bien pour le restant de l'année. On essayait tant bien que mal de
s'adapter à la chaleur intense, aux serpents et à toutes choses inhabituelles
pour nous.
A la fin des six premiers mois je fus promu Private First
Class, mon salaire était passé à $ 30 par mois cette grande richesse nous
pouvions la dépenser comme nous le voulions ! Pendant l'été nous avions fait
de bonnes manœuvres en Louisiane et en Caroline. Le 1er décembre 1941, nous
commencions à parier que notre départ approchait et que début janvier nous
retournerions à notre camp d'origine. Oh le jour heureux ! Nous fûmes très étonnés
d'apprendre en écoutant la radio que le 7 décembre 1941 les japonais avaient
bombardés Pearl Harbor. Il est inutile de vous dire que nous savions que nous
ne rentrerions pas à la maison, nous étions consignés pour une durée indéterminée.
Très rapidement nous avons perçu de nouveaux uniformes , de nouveaux équipements
et de nouveaux fusils. Beaucoup de changements avaient lieu au sein même de la compagnie.
La nouvelle compagnie a été envoyée à l'école de
perfectionnement. Le 1er Sergent était transféré au corps aérien, le Sergent
d'approvisionnement devint le 1er Sergent. Avec mon expérience dans
l'approvisionnement, je fus transféré dans la compagnie K avec la promotion de
Sergent d'approvisionnement.
En févier 1942 nous obtenons le départ pour
le camp Shelby près de Hattiesbourg dans le Mississipi puis pour Fort Ord en
Californie où l'on attend notre embarquement pour le théâtre des opérations
du Pacifique. Je fus convoqué par le Major Tudhope commandant du régiment pour
savoir si j'étais postulant pour une candidature d'élève officier. Pour cela
il fallut que je me rende à l'école des officiers à Fort Benning en Géorgie.
Je fus en concurrence avec d'autres hommes qui avaient des mois voire des années
dans l'armée et qui ont été instructeurs dans les compagnie.
Les cours durèrent
3 mois, ce fut 90 jours merveilleux. Cependant à mi-parcours, j'eu avec
quelques autres une intoxication alimentaire, nous avons été mis à l'écart ,
ce qui fait qu'après plusieurs jours nous avions manqué pas mal de cours. Après
un court congé, on nous permit en septembre 1942 de retenter notre chance, ces
cours nous semblaient plus facile que la première fois. Après 90 jours je
devins 2nd Lieutenant.
A ma grande déception, je fus muté au camp Wheeler en Géorgie
comme instructeur pour un cycle de 12 semaines pour la formation des jeunes
recrues. Bon nombre de non gradés furent affectés à la 1st Infantry Division
qui venait juste d'être désignée pour l'invasion de l'Afrique du Nord. Qui
voulait se marier, obtenait l'autorisation, nous savions que dans les prochains
mois nous aurions beaucoup de chagrin. Au camp Wheeler, j'étais promu 1st
lieutenant.
Le 1er mars 1943, alors que j'étais à camp Blanding, je me mariais
avec une fille de Jacksonville en Floride (Mary, Olive Thomas). Je restais
à camp Wheeler jusqu'en novembre 1943 où je fus transféré à la 30th
Infantry Division.
Cette division était stationnée au camp Atterbury dans
l'Indiana. Je fus affecté au 120th Infantry Regiment compagny "M" compagnie
de mortier lourd. Je pris le commandement d'un peloton. Je fus chargé
de superviser la préparation des équipements du régiment en vue de l'envoi de
la cargaison pour l'outre-mer.
Début
février nous quittons le camp Atterbury
pour le camp Myles-Standish dans le Massachusetts. Nous étions
isolés pendant
plusieurs jours. A cette époque mon logement était
à Boston dans le Massachusetts, Mary était restée
avec sa mère, grande a été sa surprise de
me voir un soir à la porte. Nous restions plusieurs jours
ensemble jusqu'au
moment de l'alerte qui signalait notre départ. Le 120th Infantry
Regiment
embarque sur le S.S.Argentina à Boston le 12 février 1944
pour rejoindre un
convoi dans l'Atlantique.
La traversée dura 10 jours, nous arrivons à Glasgow
Angleterre le 22 février 1944. Il fallut décharger le navire et
rechercher des véhicules pour transporter la cargaison dans le sud de
l'Angleterre. Après une semaine à décharger le navire, nous partons de
Glasgow pour Bagnor-Régis sur la côte sud de l'Angleterre. Mon travail
consistait à surveiller le déchargement. Sur les 140 tonnes d'équipements, 2
chevilles de tentes seulement furent perdues. Une fois ma tâche accomplie, je
retournais à mon affectation la compagnie "M".
De février à mai, nous faisions beaucoup de manœuvres et consommions énormément de munitions, ce qui apporta des problèmes de ravitaillement. Nous patrouillions aussi le long du littoral dans la zone qui nous était impartie puis vint après beaucoup d'alertes, le D.Day, le 6 juin 1944. Par bonheur, nous n'étions pas de la première vague de l'invasion. Elle était attribuée aux 1st, 29th, 4th et 90th Infantry Division. Les 82nd et 101st Airborne faisaient partie des premières troupes aéroportées parachutées très tôt le matin. Puis vint le tour des 2nd, 9th et 30th Infantry Division.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, nous
entendions en Angleterre un rugissement général. Puis vint le jour où nous
arrivons dans la zone de contrôle, nous fûmes "verrouillés" pendant
quelques jours en attendant notre embarquement. Ici, nous étions en dehors du
monde, nous avions le temps de vérifier notre équipement. La traversée du
Channel fût très dure, nous étions dans notre L.C.I. entassés comme des
sardines. Chaque homme était muni d'un "puke bag", le pont en acier
était dans un désordre vaseux et glissant. Inutile de dire que , bien que nous
soyons tous affamés, nous ne prenions pas de petits déjeuners ce matin là
!!
La 30th division débarqua le 13 juin, il était évident que les divisions
précédentes avaient subit un carnage et ce que nous voyions était terrible et
effrayant. Notre L.C.I. était américain commandé par des canadiens sous
le contrôle des anglais dans l'incompréhension des ordres notre L.C.I. se
joignit à un mauvais convoi. Nous atteignirent la plage de Utah Beach , nous réalisons
que nous n'étions pas sur la bonne plage. On nous avait dit qu'à Omaha Beach
nous pouvions débarquer et progresser à travers deux petites falaises, hors
ici , pas de falaise et la plage était large. L'artillerie allemande bombardait
toujours, nous avions été mal orientés car nous étions bien à Utah Beach et
non à Omaha Beach. L'erreur fut découverte après avoir débarqué. Le
bataillon , tout entier, dut ré-embarquer et sortir d'ici. La marée descendait
et comme nous remontions tous dans le L.C.I. nous nous apercevions que le fond
du navire reposait sur un banc de sable. Pendant ce ré-embarquement, un coup
direct atteint notre L.C.I sans faire de victimes. Ce fut un autre L.C.I qui
vint à notre secours et avec ses cordes, il nous retira du banc de sable. Nous
prirent la direction d'Omaha Beach où nous aurions du débarquer déjà depuis
plusieurs heures. Je me rappellerai toujours de cet incident car ce jour était
mon 27ème anniversaire.
Avant notre débarquement à Omaha nous étions avertis
que quand nous arrivions en bas de l'échelle de corde, nous devions nous
assurer que nos fusils furent bien fixés et de les tenir haut au dessus de la tête
car nous pataugerons dans l'eau . Toutes ces précautions furent prises pour
protéger nos vies ! Aucun fusil de remplacement n'était prévu pour un long
moment, il faut donc garder le sien au sec!! Sur la côte, nous vérifions si
quelqu'un a perdu son fusil . Notre commandant de compagnie Phil Chandler
qui avait été si énergique dans l'avertissement avait lui-même perdu le sien
et en fut très embarrassé. Nous rejoignons le 120th I.R. qui préparait le
premier contact avec l'ennemi. Nous soulageons une partie de la 101st A.B. et
une partie de la 29th I.D. puis planifions notre première attaque.
Heureusement
pour moi, la compagnie "M" était encore au complet et étant tout
jeune officier je fus affecté comme officier de liaison entre le quartier général
du bataillon et celui du régiment. Mon devoir consistait à envoyer des
messages entre les deux quartiers généraux. Bien avant que les lignes téléphoniques
purent être établies nous ne pouvions pas avoir de contact avec nos
radios soit nous étions en dehors de la zone soit les batteries étaient
endommagées. Parfois, il était très difficile de trouver le quartier général
du bataillon, il se déplaçait très fréquemment et il arrivait aussi
qu'il se fasse capturer. Souvent il était nécessaire de partir dans la nuit
noire à la recherche du H.Q. du bataillon, avoir la chance d'être sur la bonne
route et ne pas mettre le pied sur une mine. Il fallait bien repérer les premières
lignes et ne pas entrer en territoire ennemi, ce qui arrivait souvent.
Dès
notre arrivée sur le terrain, nous nous sommes heurtés à quelque chose dont
nous n'avons jamais été formés. Il s'agissait des haies définissant les
limites des propriétés et des champs . Tous ces obstacles avaient une hauteur
variable, ce qui les rendaient infranchissables. Pour passer d'un domaine à un
autre, nous étions obligés de nous servir de la dynamite ou faire appel à un
tank dozer. Bien souvent, derrière la haie, se trouvaient les allemands et
lorsque vous passiez la tête vous étiez une cible de choix. L'artillerie était
pour nous d'un grand secours et très mortel pour les allemands.
Début juillet
nous rencontrions une forte opposition ennemie qui nous frappait avec tout ce
qu'il possédait, plusieurs fois, ils pénétrèrent dans nos lignes, mais
furent arrêtés en causant des dommages à nos défenses. Malgré tout, nous
gagnons du terrain. Les combats durèrent plusieurs jours, nous n'avions pas le
temps de dormir, nous étions toujours en éveil. Parfois, malgré la mitraille
on pouvait prendre quelques instants de repos. Nous ne pouvons rien contre la
nature, nous étions épuisés, ces moments s'appelaient "Battle
Fatigue" anciennement appelés "Shell-Shock" durant la première
guerre mondiale.
Certaines personnes purent avoir une assistance médicale et
furent évacuées par une unité voisine, mais l'information ne remonta pas
jusqu'à mon état major, nous présumions après plusieurs jours de
silence qu'ils avaient été tuées en action, disparues ou éventuellement
fait prisonniers de guerre P O W (prisonnier of war).
Les blessés avaient été
évacués dans un hôpital près de Omaha Beach dans le village de Bernesque. Si
leurs blessures étaient légères ils avaient un traitement de 10 jours puis
retournaient dans leur régiment.
Le 24 juillet 1944
devait être pour notre régiment
un désastre. Ce fut le jour d'une attaque majeure
dénommée "opération
Cobra". Cette opération avait été planifiée
pour notre division afin de
briser les défenses allemandes et ouvrir un passage pour la
troisième armée
de Patton. Cette opération était communément
appelée "la percée de St Lô" (St Lô
Breakthrough). Le plan était pour U.S Air Force de bombarder
la route St Lô Perriers juste devant notre division.
Nos troupes se déplaçaient
pour des raisons de sécurité à 900m du lieu de bombardement. Pour baliser la
route St Lô Perriers notre artillerie avait placé des fusées rouges juste au
sud de la route. Malheureusement une légère brise venant du sud dévia la fumée
rouge vers nos lignes. Les bombardiers venaient exactement sur nous et lâchaient
leurs bombes sur le quartier général du régiment. L'hôpital et une ambulance
furent détruites par un coup direct.
Nous avions perdu 150 hommes tués et
blessés. Presque aussitôt les hommes furent remplacés pour lancer l'attaque
du jour. Toutes les lignes téléphoniques furent détruites et la plupart des
radios étaient hors d'usage, aucune communication entre le régiment, les
bataillons et les compagnies. Mon travail devenait frénétique, j'essayais de
faire passer les ordres durant toute la journée et toute la nuit car l'attaque
était prévue pour le lendemain matin à 11h A M.
Le 25 juillet au matin , la
même procédure était mise en place, même fumée rouge et même brise
!! Les bombardiers relâchent leurs bombes sur nos troupes, nous avons 662
victimes dont le Général Leslie J Mac Nair qui était avec notre deuxième
bataillon pour observer les progrès de l'attaque, et contrôler visuellement
les dommages de la veille. Nous étions extrêmement occupés le
jour comme la nuit. Pourtant de nouveaux ordres d'attaque arrivèrent pour le
lendemain matin.
Le nombre des victimes était au delà de l'imagination, les
corps des hommes blessés étaient évacués par les services de santé. L'élément
de surprise pour l'attaque avait été perdu mais il avait été décidé
d'attaquer et de faire pour le mieux.
A la fin de la journée, l'attaque fut un
succès, une large brèche était faite dans les
lignes allemandes, Patton et sa
troisième armée pouvaient se diriger vers Avranche avec
une résistance très
légère. La division fut mise en réserve, elle put
ainsi récupérer, se ré équiper
et remplacer les hommes perdus dans cette action.
Deux jours plus tard, nous étions
prêts pour une nouvelle bataille. A ce moment j'eus des fonctions plus
importantes, on me nomma "officier de liaison" entre la division et le
régiment, j'exécutais ainsi le même travail mais à un niveau plus élevé.
J'étais ainsi plus éloigné des premières lignes mais encore dans la zone
sensible ne voyant plus ce qui se passait devant. De ce jour et jusqu'à la fin
de la guerre, ma vie va changer.
Normalement, comme on nous l'avait enseigné
nous nous déplacions la nuit et la première chose que nous faisions était de
creuser des trous de renard ou des tranchées. Les trous de renard étaient
creusés pour des séjours longs. Chaque homme creuse pour lui-même et les
officiers de bas rang. On y ajoutait dans le fond du foin ou de la paille et des
boîtes de nourriture, on y ajoutait aussi des couvertures et des toiles de
tentes. Nous étions protégés pour la pluie. Les trous de renard étaient une
protection relative contre les sharpnels de l'artillerie qui nous
bombardaient la nuit. Rester dans les maisons durant ces moments n'était pas sérieux,
les allemands concentraient leurs tirs sur elles. Les trous de renard étaient
les endroits où nous dormions pendant les deux premiers mois des combats.
Souvent nous utilisions les trous de renard utilisés par les allemands, ils étaient
dans des emplacements favorables et bien entretenus.
Habituellement , ils étaient
situés sur le côté sud d'un obstacle mais ils étaient pour nous en très
mauvaises positions. Nos trous de renard et nos tranchées étaient situés au
nord de l'obstacle et habituellement dans un coin pour une meilleure protection.
J'avais constamment avec moi un conducteur de jeep et deux gardes, mon
conducteur s'appelait Ralph Winters, un jeune garçon de Pennsylvanie qui était
dans le civil mineur de fond. Tout le monde l'appelait "Wimpy" à
cause de son amour immodéré pour le célèbre wimpy hamburger.
Notre
nourriture consistait en temps normal de rations C et K, trois boîtes par jour
et par homme avec diverses combinaisons possibles. Les rations K étaient de
trois variétés de nourriture avec des cigarettes et du papier toilette, c'était
toujours mieux que rien. Les rations n'étaient pas utilisées tous les jours,
chaque compagnie avait un camion cuisine entièrement équipé avec 4 cuisinières
et 1 four. Quand nous avions un ou deux jours de repos, on nous préparait de la
nourriture chaude et chaque soir, à l'aide de grands récipients, on l'amenait
à la troupe. Certains jours la nourriture était bonne, d'autres jours elle était
horrible mais au moins elle était chaude. Les mauvais jours, les rations C et K
nous paraissaient acceptables.
Alors que je faisais les rapports pour les
transmettre à mon état major, très souvent la cuisine était fermée
(heureusement , il y avait les rations). On pouvait se ravitailler en pommes de
terre, navets et autres nourritures dans les fermes environnantes Nous
avions également notre ravitaillement privé en œufs, poulets et porc si bien
que nous pouvions avoir du lard et du jambon avec nos œufs. Certains d'entre
nous étaient des garçons de ferme et savaient comment s'y prendre pour tuer un
cochon ou un poulet, ce qui améliorait l'ordinaire.
Les conditions sanitaires
n'étaient pas excellentes mais quand vous avez faim ces questions sont très
futiles. Chaque jour que nous avancions, nous trouvions un poulet égaré ou une
vache qui avait été "accidentellement" tuée par l'artillerie.
Inutile de vous dire que nous n'étions pas privés de boisson pour
accompagner nos repas. Nous en profitions joliment . Nous trouvions dans les
fermes des barils de vin et de calvados, une boisson célèbre et puissante en
Normandie. Certains barils avaient un goût de pourriture, nous apprenions que
ce vin était "vert" et impropre à la consommation.
Cependant, nous
étions très prudents, nous savions que les allemands étaient passés avant
nous et étaient experts en pièges de toutes sortes. Très souvent, ils
dissimulaient un fil qui était rattaché à une mine ou à un autre explosif.
Lorsque nous déplacions le fil, il libérait le mécanisme de la mine,
l'accident arrivait fréquemment. Les allemands savaient que nous étions de
grands chasseurs de souvenirs, autant en matériel qu'en équipements. Même
les corps des morts étaient piégés. Nous avions une formation suffisante pour
éviter ces accidents, mais il est arrivé que certains d'entre nous dans leur
empressement n'ont pas observé les consignes de sécurité, ils payèrent très
chère leur folie. Généralement, lorsque l'on suspectait un piège, on
notifiait au génie l'emplacement car eux savaient traiter les pièges et les
rendre inoffensifs.
Les conditions sanitaires étaient un facteur important,
chaque jour il était creusé de grandes tranchées qui servaient de latrines.
Il régnait dans ces tranchées une atmosphère douce et chaude et pourtant
continuellement aspergées d'eau mais le méthane continuait à évoluer dans la
tranchée. Avec du papier, il nous était commun de lâcher une allumette
causant un feu et une explosion douce à cet endroit l'évacuation était
rapide !! Cela était pour nous un amusement.
Nous étions des combattants libérateurs
et avions un esprit très possessif et relativement égoïste. Lorsque nous
avons rendu un endroit plus confortable, le jour de notre départ, on y lançait
une grenade en disant good bye. Ainsi tous les barils de vin et les bouteilles
de calvados que nous ne pouvions emporter recevaient le coup de grâce avec une
hache. Tout ceci afin que les hommes fragiles de l'arrière ne puissent pas
tomber sur cette marchandise et être capable de continuer leur travail
administratif. Avec tout ce que nous récupérions nous leur échangions contre
des bons de vivres et de cigarettes qui semblent il leur étaient largement
distribués.
Il était important aussi de se procurer des produits pour la
toilette car la plupart de notre lavage quotidien et personnel se faisait
dans notre casque. Celui-ci servait à tout, entre autre à se brosser les
dents, à se raser et à nettoyer nos sous vêtements, nos mouchoirs et nos
chaussettes. Tout ceci était très primitif, l'eau que nous obtenions était
chaque jour limitée, ,nous buvions du vin ce qui permettait de garder l'eau
pour se laver. Périodiquement, après deux ou trois semaines le génie
installait des douches. Tous les hommes allèrent à la douche "froide bien
sûr" et obtenaient du linge propre. Après deux ou trois semaines sans
bain et sans changement de linge certains hommes sentaient joliment bon !
En août
et par la suite, nous étions prêts à prendre plus de risques, nous
commencions à prendre possession des maisons et des fermes et dormir dans les
caves pour une meilleur protection. Lors de la "course aux rats"
nous devenions plus sélectif dans le choix des habitations, nous recherchions
des châteaux pour y rester un ou deux jours. Il n'y avait aucun problème
pour expulser les locataires et nous pouvions coucher dans des lits. Nous étions
les conquérants et les vainqueurs, les allemands comprirent cela et étaient
assez coopératifs, que pouvaient ils faire d'autre ?
Après un long déplacement,
notre division fut affectée à Mortain, nous relevions la 1st Infantry Division
. Tandis que nous nous rendions à Mortain, nous étions toujours en contact
frontal avec l'ennemi bien que celui-ci faisait retraite.
Durant cette
avance, nous étions en rapport avec une unité
blindée qui avait été rattachée
à notre division. Devant la colonne de chars, nous conversions
avec le
commandant des tanks pour obtenir une évaluation à vue de
cette situation.
Soudain, le char de tête fut touché par un 88 mm allemand,
nous avons été
surpris mais cela faisait partie de la tactique allemande pour nous
retarder.
L'obus frappa directement le nez du char, il s'en suivit une
envolée de sharpnels, un grand nombre d'entre eux
pénètre dans mon visage, un petit
morceau rentrait plus profondément dans le bas de ma joue.
Le médecin me
dit que pour l'enlever, il serait nécessaire de m'opérer.
Soixante ans plus
tard, il est toujours là et ne me cause aucun problème.
Seul mon dentiste s'en
aperçoit lorsqu'il passe mes dents aux rayons X le petit morceau
de sharpnel
est là, c'est quelque chose de nouveau pour lui !
Notre division remplaçait
la 1st I.D. à 8h P.M dans la soirée du 6 août 1944 sur un front relativement
apaisé . Le 2nd Bn du 120th I.R. occupait la colline 314 juste à l'est de
Mortain, il était en position défensive. Vers les minuits, les allemands
commençaient à s'activer , la 3ème Panzer Division, ainsi que de l'Infanterie
attaquaient la colline 314. Hill 314 était un point d'observation extrêmement
important , celui qui possédait cette position avait le contrôle du réseau
routier sur 40 kms. Les allemands voulaient absolument cette colline pour la réussite
de leur opération. Mon travail consistait à garder les communications entre le
quartier général du régiment et celui de la division. C'était un travail précaire,
car on ne pouvait pas porter de cartes, aucun message écrit, rien qui ne
pouvait être de valeur au cas où nous devions être capturés.
Les allemands
avaient déjà fait prisonniers notre quartier général du 2nd bataillon . A
beaucoup d'endroits, les allemands avaient coupé nos lignes, ce qui rendait nos
déplacements très difficiles durant les 6 jours de la bataille. Nous devions
ainsi emprunter des petits chemins inutilisables pour les chars et les camions.
Ces chemins étaient sous contrôle allemand , il fallait donc trouver d'autres
itinéraires.
Notre quartier général du 120th régiment d'infantry fut
à deux fois déplacé hâtivement vers l'arrière. Mon travail était de
retrouver ce quartier général mais personne ne savait vraiment où il se
situait. En général, nous occupions les maisons et les fermes construites en
pierre, les états majors utilisaient les caves pour une meilleure protection
contre l'artillerie et les bombardements.
Notre quartier général de la
division était situé dans un château nommé "la Bazoge" avec
25 ou 30 pièces mais les bureaux de la division se trouvaient dans les caves.
Mon logement dans ce château était le lieu de stockage du charbon, quel
luxe !
Cette bataille concluait les combats nommés officiellement
"Normandie Campagne". Après la bataille de Mortain, nous nous déplaçons
vers l'est, ce que nous appelions "The Rat Race". Nous avançons de 30
à 40 kms par jour, il était de ce fait difficile de situer les quartiers
généraux. A chaque voyage, je rendais compte de la progression de la première
ligne permettant ainsi au quartier général de la division d'évaluer les
progressions pour les prochains jours.
Ce "Rat Race", à travers
le nord de la France et la Belgique, nous faisait progresser jusqu'à
190kms par jour, cela ne s'était jamais vu dans une unité en guerre. En
faisant cela, nous courrions le risque de manquer de ravitaillement en toutes
sortes, particulièrement en essence et en munitions. Conséquence, beaucoup de
véhicules étaient arrêtés le long de la route, ils seront récupérés plus
tard. Les munitions furent réellement rationnées !! Pouvez vous imaginer faire
la guerre en étant limité à 3 salves d'artillerie et à 10 balles pour les
fusils et par jour ?? et cependant plusieurs jours. De ce fait, nous ne
pouvions combattre réellement.
Un de mes collègues, le lieutenant Harrisson S Willey, un grand type du Texas, était un officier de liaisons du 823rd Bataillon de destructeurs de chars. Il conduisait une Harley Davidson pour son travail, un jour qu'il retournait au quartier général de la division, un besoin naturel le prend en cours de route, il se dirige donc en bordure d'un bois. Durant son soulagement, un franc tireur le prit pour cible et le frappa dans la partie charnue de son corps. Sans la moindre hésitation, il saisit sa veste et sa salopette et saute sur sa moto. Très rapidement il arrive à la division en criant qu'il avait pris un coup et qu'il cherchait un médecin. Lorsque nous avons appris cette histoire nous avons bien ri car sa blessure était mineure. Pour cette blessure de combat, on lui avait attribué la "Purple Heart" et on lui demandait toujours avec quelle citation ??
Ce "Rat Race" continua tout le mois d'août et était appelé "Campagne du nord de la France".
Le 2 septembre 1944, nous passions la frontière belge, nous fûmes de ce fait les premières troupes alliées a entré en Belgique. La "Rat Race" continue, le 12 septembre nous passions la frontière hollandaise et devenions encore la première unité alliée à entrer en Hollande. A partir de ce jour, nous commencions à avoir une opposition plus forte au fur et à mesure que nous approchions de la ligne Seigfried. Nous participons à la capture d'Aachen (Aix la Chapelle) qui fut la première ville allemande à être capturée puis nous traversons le fleuve Roer ce qui est connu sous le nom de "Campagne du Rhin".
A la mi décembre, nous étions
appelés pour participer à la bataille dit des Ardennes. Notre position était
près de Malmedy en Belgique et ce jusqu'au 1er février 1945 jour où les
lignes furent rétablies. Ce fut la plus amère des campagnes que nous ayons eu
à participer, il faisait extrêmement froid et la bataille fit beaucoup
de victimes. Cette campagne s'appelait "Ardennes - Alsace" appelée
plus communément la bataille de Belgique. Après ces combats, nous retournions
dans le secteur que nous avions quitté mi décembre.
Nous continuons notre
avance rapide au nord de l'Allemagne en entourant la vallée de la Rhur. Nous
traversons le Rhin les 24 et 25 mars 1945. Nous continuons jusqu'à Brunswick et
finalement jusqu'à Magdebourg sur les bords de l'Elbe où nous restions
jusqu'au 8 mai 1945.
De février à mai, nous étions impliqués dans la
campagne "Europe Centrale" mon travail continua après le 8 mai 1945.
Après deux mois et demi d'occupation en Allemagne, nous étions prévenus qu'a
notre retour aux Etats-Unis nous nous entraînerions à un débarquement amphibie
sur le théâtre des opérations du Pacifique.
A notre retour aux Etats- Unis,
nous furent cantonnés à Fort Jackson (sud Caroline) Entre temps,
la guerre était finie, on n'avait plus besoin de nous, notre division fut dé-activée
le 25 novembre 1945.
C'était la fin de l'activité de la 30th Infantry
Division. A la fin de la guerre, la 30th division était alors assignée au V
Corps qui stationnait aussi à Fort Jackson. J'étais alors officier
d'approvisionnement à la compagnie de commandement. Je tenais ce poste pendant
trois mois puis je fus nommé officier commandant de la compagnie de
commandement pendant plus de trois mois. Plus tard, j'eus le choix pour une
nouvelle affectation, Hawaï, Philippines, Caraïbes, U S A ou Europe, j'avais
signé dans cet ordre et qu'est ce que j'ai obtenu l'Europe bien sûr !!
En mai 1946, je fus affecté à deux postes temporaires en Allemagne.
En novembre, Mary
eut l'autorisation de me rejoindre, nous louons un petit appartement
confortable, nous avons une femme de ménage, ce qui nous rendit la vie un peu
plus facile.
Mon travail consistait à approvisionner en marchandises les
21 magasins dans Frankfort et sur un rayon de 45 kms, avec toutes sortes de
services pour les militaires. Je contrôlais tout sauf l'économat qui était
sous la tutelle du Quarter Master. Il était très difficile d'avoir tous les
articles et les marques désirées, certains d'entre eux devaient être commandés
plusieurs mois à l'avance.
L'enfer était l'approvisionnement des cigarettes Phillip Moris.
Mary mettra au monde des jumelles à l'hôpital 97 puis plus tard, un petit garçon.
Après deux années, l'armée décide de réduire ses effectifs, le choix était simple : Rester dans l'armée comme simple 1er lieutenant à un salaire de $ 2500 annuel ou démissionner et faire le même travail dans le civil avec un salaire double. Une commission accepta ma promotion comme capitaine de réserve U.S et je retrouvais le même travail avec un salaire double, qu'il était bon de vivre. Après un certain temps, nous décidions qu'après notre contrat, nous retournerions aux Etats-Unis et retrouverions une vie normale.
En milieu de l'année 1949 nous retournions aux Etats- Unis.
C'est ainsi que se termina ma carrière militaire.
Traduction par René Bonatti, juin 2003.
DECORATIONS MILITAIRES
Bronze Star Medal, Purple
Heart, Medal W/Oak Leaf Cluster, Combat Infantryman's Badge, Présidential Unit
Citation, Meritorious Unit Citation, Belgian Fourragere WWII , Victory Medal
WWII, Occupation Medal, American Defense Medal, the American Campaign Medal,
E.T.O Campaign Medal W/5 Battle Star.
Ë
Ë
Ë
Ë
Ë
Retour à Témoignage du passé - Retour à la seconde guerre mondiale - Retour au sommaire